Les très bonnes chroniques pleuvent, et c'est tant mieux.
Uriel, Samuel, Andrew
Dès le titre de l'album signé par Will Argunas: "Uriel, Samuel, Andrew" (Casterman, collection Ecritures), on comprend que les planches vont suivre l'histoire de ces trois GI qui se sont rencontrés sur le terrain, en pleine guerre d'Irak. Ils pensaient vivre là les pires moments de leur vie, ils n'imaginaient pas que le retour au pays serait bien plus terrible. Dans son récit en images, Argunas amène le lecteur à saisir la solitude, l'isolement même, dont les vétérans ont bien du mal à se défaire une fois de retour à la vie « normale ». On découvre ainsi les dégâts collatéraux d'un conflit qui tue bien plus de soldats par suicide une fois rentrés au pays que dans le feu de l'action. Dix-huit vétérans d'Irak et d'Afghanistan se donnent la mort chaque jour dans le pays, d'après les sources gouvernementales. Et il ne s'agit que du chiffre officiel.
De chapitre en chapitre, Will Argunas nous montre les vies qui se défont : celle d'une famille dont le père est mort dans le feu de l'action, celles des soldats rentrés indemnes en théorie et profondément meurtris. Face à la misère et aux problèmes psychologiques, seule la solidarité entre vétérans semble offrir une béquille à ces êtres effondrés de l'intérieur.
En misant sur la fiction, Argunas permet à ses fables d'aller plus loin que le documentaire : il pousse la spirale infernale jusqu'à son centre vertigineux. Même si chacun des personnages suit sa propre trajectoire et trouve ses propres réponses aux questions insolubles, on devine qu'il ne peut y avoir de « guérison » pour ceux qui ont subi le traumatisme de la guerre.
Là où le propos prend de la hauteur, c'est lorsque l'on se rappelle que ces soldats ne sont pas censés être les victimes du conflit : c'est bel et bien leur pays qui, en pleine connaissance de cause, a choisi de recruter massivement dans sa population des pauvres âmes à envoyer au front. Chacun est parti pour une raison différente, chacun rentre brisé par son expérience de guerre et chacun est condamné à vivre avec, ou à cesser de vivre.
Aux dernières nouvelles, l'attaque de la Syrie est repoussée de quelques semaines, en espérant que la voie diplomatique permette d'éviter la solution militaire. Une fois ces deux albums refermés, on ne se dit plus que la guerre est la pire des solutions, on est convaincu qu'au lieu de résoudre quoi que ce soit, elle est avant la source d'une infinité de problèmes nouveaux que personne, surtout pas les autorités militaires, ne souhaite assumer.
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