dimanche 27 avril 2014

ATELIER BD MAISON D'ARRET : JOUR 4

Durant les séances de travail, S. se plaint beaucoup de sa co-détenue. Voleuse de bouffe, de clope, de fringue (kleptomane?), menteuse, manipulatrice, difficile pour la jeune femme de 21 ans d'être sereine, et de bien préparer sa défense. Difficile de dormir aussi, car l'autre, qui ne sort jamais de sa cellule, ne"prête" pas la télécommande de la télé, et regarde des navets de la télé. Aujourd'hui, l'autre lui a volé un petit haut de marque, et prétend le contraire, une fois de plus. L'autre S, la plus âgée des 3 femmes présentes à mon atelier, a déjà vécu ça (elle a partagé sa cellule avec cette fille), et lui prodigue des conseils, comme le ferait une mère à l'un de ses enfants. Il faut donc écrire un mot au surveillant chef pour "porter plainte", en espérant que la voleuse n'aura pas eu le temps de sortir le dit vêtement, lors d'un parloir. S. me demande une feuille et commence sa lettre. Toutes les lignes partent vers le bas. En nous lisant sa lettre à haute voix, on ne comprend rien. Mal formulée, maladroite, C. la troisième femme de l'atelier se propose immédiatement de lui écrire un modèle. Belle solidarité féminine.

S. est tellement déboussolée, et émotivement fragile, qu'elle dort avec plusieurs épaisseurs, histoire d'être sûre que l'autre ne lui vole rien (même des soutifs) pendant son sommeil. Elle a également peur de la confrontation, verbale, voire physique. La seule solution qui s'offre à elle, est donc de demander à être transférée dans une autre cellule, avec une autre détenue. En espérant ne pas revivre le même cauchemar. mais pour ça, il faut qu'il y ait une place libre, ou une  cellule vide. Et puis  S. fume. Du coup, elle ne peut pas être mise en cellule avec une non-fumeuse, ou avec une femme enceinte. Là encore, les 2 autres lui conseillent une autre fille, avec qui elle aura la paix. Fragile, S. a des préjugés sur sa future co-détenue, qu'elle trouve  "bizarre" (déficiente mentale ?). Les 2 autres, arrivées avant elle, lui assurent qu'elle aura la paix avec cette fille. En plus, avec elle, elle pourra écouter de la musique, le truc qui lui manque le plus, en cellule, avec son jeune fils (14 mois), bien sûr.

Tous ces problèmes seront -ils plus faciles à résoudre, dans le prochain centre de détention, celui qui va ouvrir ses portes en Juillet, et se remplir jusqu'en Septembre, vidant Orléans qui va fermer définitivement ses portes ? La maison d'arrêt d'Orléans (la MAO) datait de 1903, avec 200 détenus pour une capacité de 100, soit 2 à 3 détenus par cellule de 9m2, là où la loi prévoit un détenu par cellule.


Ce nouveau super complexe, sera capable d'accueillir les détenus venant de Chartres, soit 750 places officielles (dont 30 pour les femmes). Chaque détenue y bénéficiera d’une cellule individuelle de « 10,5 m² ». Dedans : un lit métallique scellé au sol, des casiers en bois de rangement et un cabinet de toilettes où sont condensés wc, douche et lavabo. Ce complexe sera composé de deux maisons d’arrêts pour les prévenus en attente de jugement définitif, un centre de détention pour les condamnés, un quartier d’accueil pour les arrivants, un quartier de semi-liberté et une maison d’arrêt réservée aux femmes. A noter que les habitants de Saran ne voulait pas de cette prison. Consultés en 2007, ils avaient dit "non" à 91,47 % !

Ce sont les habitants d'Orléans qui doivent être contents ! J'anime des ateliers depuis 3 ans, et je peux vous garantir qu'entendre beugler les détenus d'une cellule à l'autre, par la fenêtre, ou parler à un ami, un cousin, à l'extérieur du mur d'enceinte, toujours par la fenêtre, n'est pas de tout repos, pour ceux qui habitent autour. Et ce, jour et nuit. Les femmes sont beaucoup plus calmes. La raison ? beaucoup  moins nombreuses, un surveillant pourrait très rapidement et facilement repérer la fauteuse de trouble, entrer dans la cellule et lui coller un rapport, ou l'envoyer au trou. Alors que du côté du quartier homme, étant beaucoup plus nombreux, ça fait plus de cellules et de couloirs à parcourir. Et les surveillants ont bien assez à faire. Ceci dit, c'est un différence de traitement qui n'est pas normale à mes yeux, mais bon...


De mon côté, j'ai appris que le stage du mois de Mai au quartier homme, est bel et bien annulé. Chiotte !

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